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bouboule

Dedans, c'est des tendons brisés, des nerfs distendus, des muscles affaiblis. Dehors, c'est des gestes retenus, des yeux qui se plissent, des douleurs qui naissent d'un simple mouvement de bras. Bouboule c'est une couverture de blessures dissimulées. C'est un rocher usé, érodé, jonché de cicatrices invisibles, de plaies cachées dans le creux des phalanges et en haut des épaules. Bouboule, c'est une tête dure, un visage finement buriné de plis et de rides qui se croisent en damier. C'est un regard lourd, des émotions qui oscillent en un froncement. C'est une voix qui monte vite, qui sonne fort et fait place nette. C'est une langue tranchée qui sait d'où elle vient et où elle reste. C'est des opinions forgées dans des contours restreints, des valeurs qui ne laissent pas d'entre-deux. C'est des amitiés ancrées et des relations anéanties en un mot. C'est une vie conduite comme il l'a voulu, avec ce qu'il a pu, sans concession et sans compter sur les autres. Une vie droite, qui ne tolère qu'à ceux qu'il aime. Et c'est une tendresse et une profonde générosité pour tous ceux qui restent du bon côté.

(en cours)

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Sa première voiture était en bois. C'était une belle chignole de sapin assemblée de ses mains. Son père a gueulé, histoire de dire, quand Yves lui a volé ses plus belles planches pour bricoler sa berline de fortune, mais il l'a laissé faire. Il a vu son fils scier le bois, poser le plancher, un siège, un gouvernail. Il l'a vu fixer sur un axe des roues récupérées sur une vieille brouette, il l'a vu vérifier la direction en tirant sur les cordes à chaque virage et il a vu son gamin de 10 ans prendre la route pour la première fois. En haut de la descente de Tigné, poussé dans le dos par un copain, acclamé par tous les autres.

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Il y avait un ruisseau dans le bas, des haies, des pâtures partout. On se promenait dans les champs, les terres chaudes comme on les appelait. On ramassait des goganes, des coquelicots, des coucous. On allait à la pêche dans les petits trous d'eau. On courait dans les clairières armés de nos frondes, nos couteaux, nos arcs et nos flèches et on s'enfonçait dans le bois pour rejoindre notre planque, un troglodyte caché sous terre. Où sont les loups ? Les loups sont à la porte. Personne n'avait suivi, on nous laissait entrer et on fermait juste derrière. On était à l'abri. Et puis tout a été arraché, les haies, les bois. On a tout aplani, rentabilisé, remembré. On a détruit le maquis et fait sortir les guerriers un par un. Nous, on est rentré dans le rang. On a longé les chemins qui tranchent les larges parcelles cultivées, ces grandes plaines où ni les bons, ni les mauvais ne peuvent plus se cacher. On a baissé la tête. Mais certains soirs, on descend encore quelques pieds sous terre hurler au loup et se désarmer ensemble.

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